Marcel Haedrich faisait partie de ces journalistes qui ont fait la presse française après la Seconde Guerre mondiale et qui n'avaient par leur langue dans leur poche. Issu d'une famille modeste alsacienne de Munster, il avait perdu son père qui fut soldat sous l'uniforme allemand dans la Première Guerre mondiale. Fondateur de journaux, rédacteur en chef, premier rédacteur en chef de Marie-Claire, chroniqueur vedette à Europe 1, il commence sa carrière de journaliste comme prisonnier des Allemands, écrit la première biographie de Coco Chanel et travaillera pour le groupe Paris-Match des années glorieuses. Durant sa retraite Marcel Haedrich ne cessera pas d'écrire et de s'interroger sur l'Homme et sur sa destinée et aura un regard très critique sur l'évolution des médias.

Origine et éducation. Dans son livre Seul avec Tous paru aux éditions Robert Laffont en 1973 Marcel Haedrich parle de cette drôle de guerre quand il est au front. Mais il parle aussi de la Première Guerre mondiale et de son père mort au front sous l'uniforme allemand dans la bataille de Sailly-Saillisel. Veuve, sa mère va travailler pour nourrir la famille. « Ma mère renâclait devant aucun travail pour augmenter ses revenus. A Colmar, elle nettoyait des bureaux ».Son frère aîné va intégrer les usines Hartmann à 16 ans. Marcel Haedrich avec ses talents d'écriture va marquer l'attention des enseignants mais aussi des voyageurs qui passent dans la maison familiale où des chambres sont à louer. « Ma mère louait trois chambres à l'année pour faire rentrer de l'argent ». Il rentre à l’École Supérieure de Commerce de Paris à 15 ans. Il apprend à taper à la machine et la comptabilité et visite les usines Citroën et découvre un autre monde. « Je me découvrais pauvre parmi des fils à papa rutilants, dont les costumes, le parler, les plaisanteries, les cigarettes à bout doré me faisaient béer d'admiration ».

Avant Guerre, guerre et détention. Marcel Haedrich a été le témoin de la montée du nazisme dans la Sarre juste avant le plébiscite qui a rendu la Sarre aux Allemands. « A Brebach je restais plus proche des Allemands. Au fur et à mesure qu'on approchait du plébiscite, ils se rétractaient, se guindaient, se méfiaient. Un ingénieur, qui jouait au bridge avec moi, sortit subitement sa carte du parti nazi et la déchira tout en disant qu'il est juif. Une solide téléphoniste qui parlait très bien le français se mit qu'à parler l'allemand. Lors d'une conférence faite par un alpiniste allemand de l'Himalaya on le salua à l'hitlérienne. J'étais incapable de lever le bras et je reçus 50 regards qui me foudroyaient. La nazification des Allemands me laissait perplexe. Quelle mouche les piquait ? Quel virus les infectait ? Qu'est-ce-qui les poussait à se rallier à se charlot ? Sa mèche et ses moustaches... ; Quel physique comique... Je ne prenais pas l'hitlérisme au sérieux ». Durant la Seconde Guerre Mondiale Marcel Haedrich est fait prisonnier à Lübeck en Allemagne à l'Oflag XC. « J'ai appris à douter de Dieu quand j'ai vu un curé qui se trouvait à côté de moi dans les latrines des prisonniers et relever sa soutane». Interné à Lübeck un prêtre protestant va l'inviter à signer un document allemands qui le déclare citoyen du Reich comme tous les Alsaciens. « J'étais rongé par le remord. Le prêtre m'avait expliqué que je devais en profiter pour retrouver la liberté ». En retrouvant la liberté Marcel Haedrich va découvrir l'entre-aide entre les Français : « On a raconté que des horreurs et des sottises sur l'Occupation, à croire que la France était peuplée de traîtres et de lâches. Jamais les Français ne furent plus proches les uns des autres ».

Journalisme et Karl Lagerfeld. C'est en tant que prisonnier dans l'Oflag de Lübeck que Marcel Haedrich va commencer ses premiers pas de journalistes. « Comme je parlais l'allemand, je lisais la presse allemande de propagande et je faisais une revue de presse pour mes compatriotes. Ainsi je tentais de donner une actualité sur les événements de la guerre ». Après avoir obtenu sa libération en tant qu'Alsacien, Marcel Haedrich part en zone sud en passant par Strasbourg qu'il découvre occupé par le Reich avec des Croix gammées partout. Ce sont des cheminots qui vont l'aider à passer en zone libre. Arrivé à Lyon Marcel Haedrich reprend son travail à Rhône Poulenc mais commence à présenter ses premiers articles sur son expérience de prisonnier à la rédaction du Figaro et rencontre Pierre Brisson. A partir de ce moment il va rencontrer le journal Paris-Soir avecHervé Mille et Jean Prouvost qui comme le Figaro s'est retiré à Lyon. Ce Paris-Soir n'est pas à mélanger avec le titre de propagande allemande édité par l'Occupant à Paris avec les rotatives de l'ancienne rédaction. La rédaction du Paris-Soir retirée à Lyon éditait de fausses cartes pour la résistance et le groupe Prouvost a permis la survie du Figaro et de ses journalistes. C'est à ce moment que Marcel Haedrich va se lancer dans la publication du journal de la résistance l'Homme Libre avec trois typographes et éditer des tracts en allemand pour pousser les soldats allemands à se rendre. Retiré depuis longtemps de la vie publique Marcel Haedrich, qui se donnait toujours au travail de l'écriture (en lui rendant visite on pouvait entendre sa machine à écrire valser sous les salves des mots), a entendu à la télévision Karl Lagerfeld parler de lui : « Ne lisez pas la biographie de Coco Chanel écrite par Marcel Haedrich car c'est mauvais ». En colère Marcel Haedrich obtiendra un droit de parole à l'antenne et dira que Karl Lagerfeld ne respecte en rien l'esprit de Coco Chanel. « Les robes de Chanel arrivaient en-dessous du genoux ». Observant la presse actuelle il dira : « si j'étais plus jeune je ferais un journal car le journalisme a un manque ! ». Comme de nombreux lecteurs de journaux qui souhaitent avoir un droit de réponse il ne pouvait plus passer des articles en téléphonant aux rédactions. « C'est effrayant les journalistes ne connaissent plus rien, n'écoutent plus et ne vont plus à la rencontre des gens », disait-il. Marcel Haedrich aimait passer des jours de repos à Munster et à Cancale.
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